Révolte vers 1430


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Extraits de l'Annuaire de L'Yonne de 1846 par LE MAISTRE

(Ouvrage disponible en consultation dans la bibliothèque des archives départementales d'Auxerre)

Origine de Molosmes vers 500 Ordre des Bénédictins à partir de 569 Invasions et insécurité de 807 à fin Xème siècle Mutations de l'abbaye vers 1200 Révolte vers 1430 XVIème siècle XVIIème et XVIIIème siècles


Depuis longtemps, les habitants de Molosmes et de Saint Martin , tous serfs du monastère, luttaient contre l'oppression féodale, et réclamaient la franchise dont jouissaient la plupart des communes du comté de Tonnerre.
Alors chaque habitant, tenant ménage et feu entier, devait à la Saint Rémi , douze deniers tournois (environ 1/75ème d'un marc d'argent), un bichet d'orge et une poule de forestage (droit forestier). Parmi ces habitants , ils s'en trouvaient d'une condition pire encore , désignés sous le nom de chuagdi. C'était le chavage , chevage ou chavaize , qui existait à Pymelles et ailleurs. Ceux-là devaient en outre , les uns trois , les autres quatre deniers , la servitude et la main-morte les suivaient partout , quelle que fut leur résidence !
D'après une ancienne coutume , les habitants de Molosmes devaient en communauté , à chaque renouvellement d'abbé , quelle que fut la cause de sa nomination, 100 livres pour joyeux avènement. Ceux de Saint Martin n'en devaient que 50. Ils étaient encore frappés du droit de larbam (1) et de celui de jarlage (2).

L'habitant qui vendait vin devait au seigneur un 1/2 setier par 1/2 queue, ou 6 deniers par franc (pro generali franco). Chacun devait en outre 3 journées de travail de son corps pour tailler les vignes du couvent, pour faire le premier labour et pour moissonner. Quand un peu moins de gêne permettait d'avoir charrue et 'bestres trahans', il était dû 3 autres corvées pour sumbrer, semer les froments et semer les menu-grains. Il fallait enfin payer à la Toussaint, et pour chaque bête, un bichet de froment.
Le monastère prenait encore 1/3 des gerbes et la dîme au vin. Et comme si ce n'était point assez de dévorer pendant leur vie la sueur de ces 1500 infortunés sujets, à leur décès, quand ils n'avaient point d'héritiers directs, demeurant en icelle, la succession ou échouette appartenait au monastère, sans qu'aucun parent collatéral ne pût y prétendre.

Depuis 28 ans, un procès grave s'était élevé entre l'avide seigneur et ses manants. Ceux-ci voulaient améliorer leur existence, travailler pour eux avec quelque sécurité et quelque profit. Malgré le droit de récréance, qui peut les atteindre partout où ils chercheront à se réfugier contre les prétentions exorbitantes des religieux, ils menacent de fuir, de quitter Molosmes et Saint Martin, de rendre même le pays inhabitable, si on ne fait droit à leurs justes doléances.
41 habitants de Molosmes, et 28 de Saint Martin se portent forts pour quelques absents. Messire Pierre Faillot, leur curé, est à leur tête.

Enfin le 4 février 1457, l'abbé Etienne de Nicey, oncle du fameux abbé de ce nom, et le 50ème supérieur connu du monastère, entre en transaction avec ses sujets de Molosmes et de Saint Martin. Il est traité d'un affranchissement dont voici les principales conditions :
    - la main morte est supprimée. Les successions sont dévolues aux héritiers naturels, directs ou collatéraux ; mais chaque habitant doit pour cette franchise cinq sous tournois par an (environ 1/15 du marc d'argent), réduits à moitié pour chaque ménage incomplet.
    - L'abonnement de 12deniers, le bichet d'orge , la poule de forestage, 5 journées de travail, 3 de charrue, huit pintes de vin par septier (7 l ½ pour 1 hl ½ ou environ 1/20), le cens et la dîme sont encore dûs par eux.
    - Les chuagdi doivent en outre leurs 3 ou 4 deniers de chevage. Ils ne peuvent quitter la commune sans devenir corporellement hommes et femmes serfs, mains-mortables, et sans être poursuivis avec prise de corps partout où ils vont.
    - Aux autres habitants, est accordée la permission d'aller se marier ailleurs, de s'y établir, d'y conserver leurs biens, toutefois en payant cens et dîme.
    - La tierce des blés, grains, chanvre et légumes est convertie en dîme, à laquelle sont soumis les vins.
    - Le jarlage (2) et le larbam (1) sont abolis.
    - En cas de guerre, les habitants de Molosmes et de Saint Martin ont un asile dans la forteresse du couvent. En échange de cette protection, ils auront à réparer les murs, entretenir les fossés, faire le guet de nuit et de jour, à la porte, sur les murailles et dans la lanterne du clocher : on leur donne, pour leur jour de garde, pain et chauffage. On leur accorde aussi le droit de couper du bois, sauf dans les forêts des Graveries et de Montré (Morée), le droit de pêche et celui de pâturage, toutefois avec réserve.
    - Les habitants ne peuvent vendre ou engager leurs héritages qu'à des personnes domiciliées à Saint Martin ou Molosmes. Tout forain est exclu de la propriété du sol, à moins que ce ne soit par succession.
    - Encore le joyeux avènement ! Seulement il est réduit à 2 sous tournois par ménage complet, et à 15 deniers pour un homme veuf.
    - Puis vient l'obligation impérieuse de se servir des moulins et des fours du monastère.
    - Puis encore, le seigneur se réserve 3 bans de 3 semaines chacun pour vendre vin en détail, à l'exclusion de tous habitants.
    - Vient enfin le droit de minage à la charge des habitants et celui de rouage à la charge des étrangers, comme ils existaient d'ancienneté.
Nous n'avons parlé ni des amendes multiples, ni de la justice.
La juridiction de l'abbé était inévitable ; on appelait à Sens ou au parlement. Telle était la position de Molosmes et de Saint Martin au milieu du 15ème siècle. Guy-Bernard, l'un des évêques les plus remarquables de Langres, approuva cette charte.



  1. Larbam: Il y avait à Polisy un droit d'albin, qui accordait au seigneur le onzième de la hottée de raisin. Etait-ce le même droit ? La dîme du curé était réduite au soixantième pour le raisin ; il en retirait encore 600 livres en 1789
  2. Jarlage: A Epineuil : le droit de jarlage est défini dans une déclaration de 1533 par le comte Louis de Husson : " le droit de jarlage se prant sur le vin qui se vend et destrait au dict lieu d'Espineuil sur chascun vaisseaux de jaulge, soit muyd , demy-muyd, queue , demy-queue, dizain ou aultres plus grand ou moindre vaisseau mais qu'il soit de jaulge , quatre pintes de vin. Et quand audict rouage ; il se prant sur chascune charrette chargée de vin qu'elle transporte du dict lieu, quatre deniers tournois , et du chariot huict deniers tournois , et ce doit recevoir le dict rouage avant que partir hors du finage, à peine de 60 sols d'amende ". ces deux droits étaient amodiés 12 livres 10 sols par an avec les cyres accoustumées. Jarlage vient du vieux mot jarre, grande cruche.